L’attention

Expliquer l’attention

Jean-Philippe Lachaux, chercheur en neurosciences à l’INSERM définit l’attention comme la capacité à filtrer des informations parmi celles qui affluent de manière continue et massive tout au long de notre journée. Or il existe un rapport de force entre les différents réseaux du cerveau qui entrent souvent en conflit pour déterminer ce qui demande d’être attentif et ce qui ne le demande pas. La distraction a pour origine ces situations conflictuelles. Jean-Philippe Lachaux indique que lorsqu’on mène une activité avec attention, les régions dites de « haut niveau » situées dans le cortex préfrontal sont particulièrement actives alors qu’elles restent inactives lorsque l’activité est menée de manière distraite.

Définir l’attention

Dans un séminaire de l’INSERM, « Les fonctions cognitives chez l’enfant : clés de compréhension » (1), Michèle Mazeau, médecin en rééducation, spécialisée en neuropsychologie infantile, rappelle qu’on distingue 3 grandes fonctions attentionnelles, supportées par trois réseaux neuronaux :

« – La fonction alerte : Elle est impliquée dans l’élévation et le maintien d’un état d’alerte préparatoire à l’apparition imminente d’un stimulus. L’attention soutenue en fait partie : Elle se définit comme un haut niveau d’alerte sur de longs intervalles de temps.

La fonction orientation : Elle recouvre l’attention sélective, l’attention sélective visuo-spatiale, l’attention partagée et l’attention alternée.

L’attention sélective (focussed attention) traduit la capacité à focaliser ses ressources attentionnelles sur le stimulus tout en inhibant les distracteurs. Cette attention est précieuse en classe, elle va permettre à l’élève de se concentrer sur une tâche, de rester focalisé sur cette tâche en bloquant les potentielles sources de distraction.

La fonction exécutive attentionnelle : le contrôle exécutif de l’attention est impliqué dans des opérations cognitives complexes correspondant à la fois au contrôle et à la résolution de conflits entre des occurrences informationnelles en provenance de divers réseaux neuronaux. Ce contrôle exécutif attentionnel est en étroite relation avec le contrôle cognitif de l’activité, la mémoire de travail et la vitesse de traitement de l’information. »

Le développement de ces fonctions attentionnelles dépend de la maturation cérébrale : un enfant n’a pas la même capacité d’attention qu’un adulte.

Alain Pouhet (3) détermine les 3 grands types d’attention qui sont extrêmement sollicités en classe :

  • L’attention focalisée (foccused attention) C’est l’attention qui sélectionne, chacun va faire le tri dans la masse d’informations qui sollicitent notre attention et va accorder son attention à un point précis. Il sera important dans ce cas de bloquer les sources de distraction pour rester focalisé sur la tâche en cours.
  • L’attention « soutenue », c’est l’attention focalisée qui s’inscrit dans la durée. Cette attention est bien sûr requise en classe pour rester concentré sur un exercice, sur toute la durée en commençant par la lecture de la consigne jusqu’à sa réalisation.
  • L’attention « divisée » est celle qui permet d’être attentif à deux tâches simultanées. Nous partageons notre attention entre deux tâches en même temps. Cela suppose un gros effort cognitif. Cela suppose également que les tâches auxquelles nous accordons notre attention, soient automatisées. Par exemple parler et marcher, nous pouvons partager notre attention assez facilement entre ces deux tâches. Par contre parler et conduire, même si le chauffeur maîtrise parfaitement sa conduite et son trajet, il pourra difficilement partager son attention entre la route et la conversation sans risquer une imprudence.

Définir la distraction, qu’est-ce qu’un distracteur?

Le distracteur est inattendu, il va détourner l’attention de l’élève, il l’absorbera immédiatement, de manière automatique. L’attention est très fragile, elle est facilement captée par une source de distraction: un bruit anormal, une couleur vive sur une affiche, un dessin dans un manuel, notre voix intérieure…

Extrait de la lettre de Focus, personnage de l’attention (2) s’adressant aux élèves pour expliquer le rôle des distracteurs dans leur attention:

« …Ils cherchent à capturer votre attention en vous faisant faire ou penser à autre chose. Il y a beaucoup de distracteurs dans la classe : les bruits que font les copains, l’envie de leur parler, les affiches sur les murs, ce qui se passe dehors. Il y en a aussi plein dans vos têtes : les pensées qui vous attirent et qui vous entraînent en dehors de la classe… Quand le faisceau de ma lampe est dirigé vers les distracteurs, alors je ne brille plus, votre attention est capturée ….. »

L’attention en classe

Comment fonctionne l’attention en classe ?

Jean-Philippe Lachaux explique que « les apprentissages ne reposent pas seulement sur la transmission des savoirs mais aussi sur des fonctions cognitives déterminantes dans les mécanismes d’attention et distraction. » Lorsque le cerveau est attentif, cela facilite les apprentissages : la compréhension, la mémorisation. On dit souvent aux élèves « concentre toi » mais leur a-t-on appris comment mobiliser leurs capacités attentionnelles ? Pour que les élèves puissent agir sur leur attention, il est nécessaire de les éduquer à l’attention : comprendre comment fonctionnent leurs mécanismes attentionnels, comment réguler leur attention. En les éduquant à l’attention, on leur permet d’être acteurs de leur attention, on leur donne le pouvoir d’agir sur eux-mêmes par eux-mêmes.

Francine Lussier, docteur en Neuropsychologie de l’Université de Montréal (2) rappelle qu’à l’école, l’attention divisée, qui nous oblige à partager l’effort cognitif entre deux ou plusieurs tâches, qui peuvent ou non être automatisées, demande aux enfants un plus grand effort cognitif car les tâches scolaires ne sont pas encore automatisées : les enfants sont encore en phase d’apprentissage.

Elle explique aussi que les enfants ont une attention soutenue limitée par rapport aux adultes, en particulier quand la tâche n’a pas été automatisée. Les capacités d’attention et la qualité attentionnelle d’un enfant varient beaucoup dans la journée et dépendent de multiples facteurs : la motivation, la fatigue… Le temps d’attention d’un enfant est limité et variable d’un enfant à un autre.

Pour un enfant jeune, mobiliser son attention sur un sujet précis est complexe et coûteux. L’attention soutenue est difficile à maintenir sur une journée, il est important d’installer des temps au cours desquels l’élève pourra relâcher son attention. L’attention partagée est difficile également car de nombreuses tâches sont en cours de construction, l’écriture, la lecture ne sont pas encore automatisées.

Pourquoi former les élèves à l’attention ?

L’attention est, pour nous enseignants, une problématique essentielle : lequel d’entre nous ne s’est pas demandé pourquoi les élèves n’étaient pas concentrés, pas attentifs et comment faire pour qu’ils le soient. Comment faire face à une classe agitée, comment enseigner à des élèves qui n’«écoutent» pas ?

Que nos élèves maîtrisent leur attention est primordial pour qu’ils puissent apprendre. Un élève qui n’est pas attentif au bon moment passe à côté des informations essentielles. Mais l’attention est encore en construction à leur âge et il est de notre rôle de les accompagner dans ce processus.

Comment former à l’attention ?

Avant tout, il s’agit, pour l’enseignant, en s’appuyant sur ce que dit la recherche, de comprendre ce qu’est l’attention et comment elle fonctionne pour les enfants. Prendre conscience que l’attention est fragile, que nos élèves ne peuvent pas être attentifs en permanence, que cela leur demande de déployer beaucoup d’énergie. Les distracteurs, dans une classe sont nombreux et lutter contre eux afin d’être attentifs demande un effort important aux enfants. Réaliser que leur attention est fluctuante amène à se poser une question primordiale : sachant que les élèves ne peuvent pas être attentifs de façon continue, quels sont les moments importants qui nécessitent d’eux une attention soutenue : le passage des consignes, un moment de synthèse explicitant des notions, un temps d’écoute d’un autre élève… et quels moments ne nécessitent pas cette attention soutenue.

Il est tout à fait normal de ne pas avoir une classe attentive toute la journée mais il est possible d’apprendre aux élèves à être attentifs pendant des temps que l’enseignant aura ciblés. Accepter que les élèves ne soient pas attentifs en continu demande de lâcher prise et de repenser la manière de voir et de concevoir sa classe et notamment son emploi du temps en alternant des temps qui demandent une attention soutenue avec des temps qui permettent aux élèves de se relâcher.

Le programme ATOLE : Programme d’éducation de l’attention à l’école

Jean -Philippe Lachaux a développé le programme ATOLE pour éduquer les élèves à l’attention : leur faire comprendre les mécanismes biologiques de l’attention, les situations de conflits et leur montrer comment compenser les signes de distraction. Vous pourrez trouver toutes les explications ici : ATOLE, l’attention ça s’apprend.

Voici une vidéo de Jean-Philippe Lachaux, qui présente le programme ATOLE, lors d’une conférence TED à Saclay :

Les propositions CAREducativ

Dans la partie Cognition de notre ouvrage, Etre bien pour apprendre, nous vous proposons des activités pour initier vos élèves aux fonctions cognitives, en suivant un déroulé en 3 étapes :

Du côté de la recherche

Nous commençons par vous donner des repères théoriques à travers un entretien avec un chercheur. Pour l’attention, il s’agit de Francine Lussier, docteur en Neuropsychologie de l’Université de Montréal. Nous la remercions pour le temps qu’elle nous a accordé et son soutien quant à notre démarche.

Du côté de la classe : des outils pour former à l’attention

Nous articulons les pratiques en classe avec les savoirs issus de la recherche et vous proposons des des activités pédagogiques que vous pouvez mettre en place en classe avec des parcours CP, CE/CM fléchés et du matériel pédagogique « clé en main » .

La métaphore de l’attention: Focus

Pour former à l’attention, nous proposons d’utiliser une métaphore. La métaphore est un support intéressant pour rendre un concept abstrait accessible à l’élève. La métaphore donne une identité à l’attention, elle devient palpable. Chaque personnage est accompagné d’un pictogramme qui le représente avec son caractère, sa couleur, son accessoire. Une fois présenté aux élèves, le pictogramme personnage est affiché sur le tableau et sera utilisé au quotidien.

Qu’en disent les élèves?

Questionner son attention

Pour amorcer un travail sur l’attention, vous pouvez commencer par questionner les élèves sur leur attention. Le questionnaire constitue un temps réflexif, les élèves vont réfléchir au rôle de l’attention quand ils apprennent. Nous les amenons à se positionner sur leurs propres capacités attentionnelles. Le questionnaire est structuré en 5 grandes questions: les élève sont pouvoir ainsi avancer sur des questions comme : à quoi ça sert d’être attentif? qu’est-ce qui m’empêche d’être attentif?

Voici le retour concernant la question n°5 sur les 84 élèves sondés sur une école. Nous constatons qu’un travail mené en parallèle sur les émotions ou le sommeil pourrait sans doute accompagner les élèves et améliorer l’attention de certains des élèves interrogés.

N’hésitez pas à nous faire des retours sur les résultats obtenus dans vos classes!

Voici le témoignage d’un élève qui parle de ses émotions qui l’empêchent d’être attentif pour apprendre.

Vous trouverez plus d’informations dans la partie ouvrage pédagogique.

Sources :

(1) Séminaires Ketty Schwartz (2013) Fonctions cognitives chez l’enfantINSERM

(2) François J. – Grossetête I. (2019) Etre bien pour apprendre, Nathan

(3) Dr. Pouhet A. Le CERVEAU de l’APPRENANT : du fonctionnement normal au pathologique. (téléchargeable sur le site d’Alain Pouhet)

Les ouvrages de Jean-Philipe Lachaux sur l’attention:

  • Le cerveau attentif: contrôle, maîtrise et lâcher-prise (2013) Odile Jacob
  • Le cerveau funambule (2015) Odile Jacob
  • Les petites bulles de l’attention: Se concentrer dans un monde de distractions (2016) Odile Jacob