La créativité

Insuffler de la créativité dans sa pédagogie, c’est développer la tolérance à l’ambiguïté, l’ouverture aux idées nouvelles, aux expériences, à la curiosité pour le monde intérieur et extérieur. C’est préparer les élèves à réinventer le monde de demain.

Définir la créativité

Chaque individu dispose de capacités créatives, d’un potentiel créatif plus ou moins développé. L’enjeu est de donner à chacun les moyens de l’identifier et de le développer.

T. Lubart , M. Besançon, proposent une approche multivariée de la créativité selon laquelle le potentiel créatif de chaque individu va s’exprimer selon plusieurs facteurs : cognitifs, conatifs, émotionnels et environnementaux.

Les facteurs cognitifs

Pour Lubart et al. (2015), huit capacités intellectuelles facilitent et influencent la pensée créative , d’un point de vue cognitif :

  • la capacité à identifier et (re) définir le problème,
  • l’encodage sélectif : relever dans l’environnement des informations en rapport avec le problème.
  • la comparaison sélective: observer des similitudes entre des domaines différents qui éclairent le problème par analogie.
  • la combinaison sélective: regrouper des éléments d’information divers qui, réunis, vont former une nouvelle idée.
  • la pensée divergente : c’est la capacité à générer des idées alternatives à partir d’une seule information initiale (un mot, une image…)
  • l’évaluation des idées : c’est la capacité à auto-évaluer de sa propre progression vers la solution du problème.  
  • la flexibilité cognitive : Un acte créatif nécessite de la flexibilité cognitive : il s’agit d’aller vers un but tout en changeant son point de vue sur la situation et en cherchant différentes perspectives, une ouverture à d’autres pistes, la nécessité d’appréhender la situation sous différents angles.

Les facteurs conatifs

Les facteurs conatifs sont à prendre en compte pour expliquer les différences de potentiel créatif entre individus. Ils peuvent être définis par différents aspects comme :

  • les traits de personnalité : la prise de risque (proposer des idées allant à l’encontre des idées les plus répandues, à l’encontre des conceptions habituelles), la persévérance (volonté d’arriver au bout d’une tâche, difficultés à accepter le changement), la tolérance à l’ambiguïté (accepter les doubles sens, les ambiguïtés d’une situation) , l’ouverture aux nouvelles idées, aux expériences (curiosité pour le monde intérieur et extérieur) , l’individualisme (indépendance au jugement des autres).
  • les aspects motivationnels : la motivation a un rôle très important dans la créativité, en particulier la motivation intrinsèque (Laustriat et Besançon, 2016).

Voir l’article sur la motivation

Les facteurs émotionnels

Les émotions influencent de manière complexe la créativité (Laustriat et Besançon, 2016). Ainsi, des recherches ont montré que la nature de la tâche créative influence la relation entre émotions et créativité, de même que le niveau d’éveil des émotions (Lubart et al. 2015)

Les facteurs environnementaux

Les apports environnementaux ont un rôle fondamental sur la créativité.  Les facteurs environnementaux concernent l’environnement familial, scolaire, culturel :

  • l’environnement familial : L’environnement familial impacte la créativité de l’enfant de trois manières différentes : par le soutien sur le plan cognitif qu’il apporte à l’enfant, par le soutien sur le plan affectif et par le cadre qu’il donne à l’enfant. La manière dont les parents se situent, dans ces différent plans, a un impact sur la créativité.
  • l’environnement scolaire : La représentation que l’enseignant se fait de l’enseignement, sa conception des situations d’apprentissages, ses attentes, sa manière d’enseigner et de concevoir sa relation aux élèves, sa manière d’organiser sa classe dans le temps, dans l‘espace, son positionnement dans la classe  influencent fortement la créativité des élèves.
  • l’environnement culturel : La diversification des activités culturelles peut être reliée à la possibilité pour l’enfant de développer son potentiel créatif.

La créativité dans la classe

La créativité chez l’enfant

La créativité ne reste pas au même niveau tout au long de la vie : on note des variables, des périodes de créativité intenses et des périodes plus modérées (Pacteau et Lubart, 2005). Ainsi, durant l’enfance, la créativité est marquée par des périodes de rupture, de replis dus à l’évolution du système cognitif, à l’environnement.  On peut repérer trois affaiblissements de la créativité au cours de l’enfance et de l’adolescence (Torrance, 1968) :

  • Le premier affaiblissement des performances créatives vers 5-6 ans correspond à l’entrée des enfants dans le système scolaire
  • Le second affaiblissement se situe vers 9-10 ans (CM1). Il pourrait ainsi être liée au développement de la pensée logique.
  • Le troisième affaiblissement aurait lieu vers 14-15 ans

Le processus créatif

Le processus créatif repose sur un modèle en cinq étapes:

  • détermination d’une tâche : déterminer quelle est la situation, le problème,
  • génération d’idées : rassembler ses idées,
  • illumination : faire émerger de nouvelles idées, de nouvelles solutions,
  • vérification : tester les nouvelles idées ou solutions,
  • acceptation et communication : valider ses nouvelles idées et les partager aux autres.

Les étapes sont séparées par des phases de repos incubateur ou de tension (un effort intense et soutenu de l’esprit). (Lubart et Besançon)

Développer une pédagogie de la créativité

Pour se préparer à 2030, nous devons être créatifs. Les élèves devront appliquer leurs connaissances et leurs compétences dans des situations mouvantes et inédites. Pour cela, un vaste éventail de qualifications sera nécessaire, notamment des aptitudes cognitives et métacognitives (raisonnement critique, réflexion créatrice, apprendre à apprendre, autodiscipline, etc.), des qualités sociales et émotionnelles (empathie, efficacité personnelle, collaboration, etc.) et des capacités pratiques et physiques (par ex., savoir utiliser de nouveaux outils informatiques).

Rapport de l’OCDE (2018), Le futur de l’éducation et des compétences, Projet Education 2030,

Concevoir une pédagogie favorable à la créativité, nécessite de :

  • mettre en place un environnement qui permettent aux élèves d’être impliqués et acteurs de leurs apprentissages,
  • proposer des activités riches, motivantes, faisant appel à la créativité des élèves.

Développer une pédagogie de la créativité, c’est offrir un milieu propice à la créativité :

  • un climat d’apprentissage basé sur la coopération, qui permet d’impliquer activement tous les élèves,
  • un travail autour de la connaissance de soi et de ses émotions,
  • une place accordée à la manipulation et au tâtonnement,
  • un aménagement de l’espace favorisant le bien être.

Des activités créatives

Développer une pédagogie de la créativité, c’est concevoir des activités offrant une marge de créativité, tant dans le processus que dans la solution. Il ne s’agit pas de donner une liberté totale aux élèves, ni de considérer que toute solution est valable. L’enseignant doit fournir des balises appropriées selon l’activité.

Les objectifs visés sont issus des clés de la créativité proposées par Sternberg (Besançon & Lubart, 2015) :

  • Encourager la génération d’idées
  • Interroger et analyser les hypothèses
  • Encourager la prise de risque
  • Encourager la tolérance à l’ambiguïté
  • Développer la motivation intrinsèque
  • Proposer un environnement physique qui stimule la créativité

Dans le domaine scientifique, poser des défis, des problèmes complexes, résoudre à plusieurs, permet de proposer des situations motivantes propices à la créativité : la résolution de problèmes, qui nécessite de changer de représentation en prenant la situation sous un autre angle, est particulièrement favorable au développement de la créativité.

un rapport de L’UNESCO précise que « la pensée créatrice est mobilisée quand on utilise des consignes telles que : ajouter, adapter, changer, compléter, analyser, combiner, créer, concevoir, émettre des hypothèses, faire une analogie, générer des idées, inverser, modifier, réarranger, réécrire, substituer . »

Dans le domaine artistique, l’offre des projets transversaux, permettant aux élèves de libérer leur créativité est variée et très riche. En voici deux exemples :

Stimuler la créativité par l’art et la littérature : un exemple de projet de classe sur le surréalisme

Afin de développer et de stimuler la créativité en classe, et de permettre à chaque élève d’exprimer son potentiel créatif, nous proposons un projet amenant les élèves à exercer leur créativité en expérimentant le surréalisme en classe : surprendre, prendre des risques artistiques et littéraires, produire des productions iconoclastes, libérer les mots, les objets de leur fonction première.

Stimuler la créativité par l’art et la géographie : le projet d’odyssée urbaine

Porter un autre regard sur son environnement en faisant de l’environnement proche une source de créativité, en participant à des déambulations artistiques, en glanant dans la ville des matériaux graphiques et en les superposant à des matériaux artistiques, à des souvenirs personnels, pour réaliser des collages entre réel et imaginaire.

Vivre une expérience créative ensemble : les oeuvres collectives

Créer des projets de création commune est une approche intéressante pour développer la créativité. Partager une expérience créative commune, source de joie et de relations fortes, permet de libérer la créativité de certains enfants, portés par le groupe. C’est une activité inclusive, basée sur l’empathie et l’entraide.

Toutes ces activités sont à retrouver plus en détails dans la rubrique Activités CARE.

Un espace care pour exercer sa créativité

Nous pensons que le potentiel créatif des élèves peut réellement s’affirmer et s’exprimer si, dans la classe :

  • On reconnait le potentiel de chacun

Il est important que l’enseignement permette le développement des compétences de tous les enfants et de ne pas imposer que toutes les compétences soient identiques entre enfants. L’enseignant doit évoluer dans cette représentation de l’élève idéal dont on attend une réponse idéale par exemple au niveau des productions en arts visuels.

  • On instaure un climat de confiance

L’instauration d’un climat basé sur la confiance et la bienveillance est essentiel pour que tous les enfants osent lâcher prise, prendre des risques, s’ouvrir à de nouvelles idées, tenter de nouvelles expériences.

  • On favorise l’estime de soi

Il est question de porter un regard différent sur certains enfants dont la créativité est développée mais qui ne rentrent pas dans le “cadre scolaire” et sur ceux dont la créativité est peu développée, nécessitant la mise en place d’activités favorisant le développement de leur créativité.

Evaluer la créativité

Évaluer la créativité et le potentiel créatif d’un élève sur une activité proposée est complexe. Plusieurs facteurs sont à prendre en compte: la motivation intrinsèque de l’élève sur l’activité, l’intérêt porté à cette activité. Le jugement externe sur le travail de l’élève appelle forcément à une dimension subjective, au risque que l’enseignant émette un jugement qui ne reconnaisse pas le potentiel créatif de l’élève. Il est nécessaire de déterminer au préalable les critères d’évaluation du travail : faut-il tenir compte du potentiel créatif déployé ou bien de l’accomplissement créatif, c’est-à-dire de la production  elle-même? Le temps accordé à l’élève pour exprimer sa créativité dans la production d’une tâche est capitale, or en classe la gestion du temps imparti sera un frein important à prendre en compte. Le processus créatif mobilise des compétences souvent difficiles à identifier et à évaluer chez les élèves. Il est important que l’élève soit acteur de la tâche qu’il va mener. Rendre explicite les compétences nécessaires à la libération de la créativité peut aider l’élève à devenir plus créatif, à recourir en conscience à son potentiel créatif.

A partir du travail de Véronique Dethier (2015), nous avons élaboré une grille d’évaluation des capacités créatives qui permet à chacun de s’auto-évaluer et de prendre en considération son propre potentiel créatif. A télécharger ici :

Sources :

Besançon, M., Barbot, B., & Lubart, T. (2011). Evolution de l’évaluation de la créativité chez l’enfant de Binet à nos jours. Recherches & Educations, 5, 215-226

Besançon, M., & Lubart, T. (2015). La créativité de l’enfant: Évaluation et développement. Mardaga.

Dethier V. (2015). « Un tableau de bord des compétences essentielles pour la créativité et l’innovation ». Wallonia European Creative District. (Projet financé par la Wallonie et la Commission européenne dans le cadre du Programme compétitivité et Innovation).

Laustriat, Besançon (2016) La créativité chez l’enfant : fondement et leviers, vers un environnement d’apprentissage optimal, Synlab

Puezzo I. (2013) Pédagogie de la créativité: de l’émotion à l’apprentissage – Les cahiers de CERFEE

Sanders (2016). Analogie et créativité : la richesse du connu. Revue Sciences humaines n°42